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    L’interpellation de Lucien Ebata, « Monsieur Pétrole » de Sassou et ami de DSK

    Écrit par sur 20/05/2022

    En quelques jours l’oligarchie congolaise vient de subir une série de revers particulièrement sévères qui viennent ruiner la tentative de dédiabolisation du régime de ces dernier mois. Avec au coeur de ces attaques médiatiques et judiciares, l’interpellation au Bourget hier, le mercredi 6 octobre, du puissant « Monsieur Pétrole » du président Sassou et le lendemain jeudi 7 octobre sur France 2, une émission de « Cash Investigation », signé Linda Bendali, qui met en cause les relations troubles entre l’ancien patron du FMI Dominique Strauss Kahn et le président congolais Sassou. Un article d’Eric Laffitte. 

     

    Une séquence « séduction » engagée au lendemain de l’élection présidentielle et dont le point d’orgue fut la visite à Paris cet été d’ Anatole Collinet Makosso, nouveau Premier ministre, flanqué d’un tout aussi flambant nouveau ministre de la coopération internationale, Denis Christel Sassou Nguesso, sorte de vice-ministre des affaires étrangères, venu  se roder à l’exercice du pouvoir avec en ligne de mire l’espoir que l’on s’habitue à sa présence dans les salons feutrés de la politique internationale. 

    Après des mois de gel diplomatique entre Brazzaville et Paris, l’objectif essentiel était donc renouer et de faire bonne figure. L’objectif secret était celui d’une rencontre avec Jean Castex. Il fallu se satisfaire de Bruno Lemaire et de Barbara Pompili pour parler « économie décarbonnée ».     

    Surtout la délégation congolaise était reçue par le Medef et s’efforçait lors d’une « opération séduction » de convaincre les patrons français l’urgence d’investir au Congo.

     Le XXIème siècle ne sera t-il pas africain !?   Dans un pays où rien ne marche, où l’on ne trouve pas d’hôpitaux, plus d’écoles, où les fonctionnaires et même les militaires ne sont plus payés, dans cet état pétrolier où l’essence n’est plus distribuée, où l’électricité ne fonctionne pas et où même un simple accès à l’eau pose problème, l’exercice était méritoire. À défaut de convaincre la délégation congolaise – 9 ministres !-   avait été reçue et poliment écoutée et l’exercice jugé « globalement positif ». 

     

    Octobre noir 

    Et puis Patatra, en quelques jours en ce début octobre, comme un crépi mal posé lors d’un ravalement de  façade effectué à la hâte,  la belle construction semble s’effondrer.   

    Une fois encore le FMI au terme d’un audit des finances et de la gouvernance congolaise refusait de reprendre les versements des 450 millions de $ que le Fonds s’était lui pourtant lui même engagé à verser en 2019 avant de se raviser estimant que  les « intentions » affichées par le Gouvernement congolais pour nettoyer les écuries d’Augias encore insuffisantes. 

    Mais et ceci a t-il voir avec cela ? Quelques jours plus tard éclatait l’affaire des « Pandora Papers », soit une enquête au retentissement international sur les secrets de la finance off shore et où s’agissant du volet congolais, deux noms figurent en tête de gondole. Ceux de Denis Sassou N’Guesso et de Dominique Strauss Khan. 

    Les vacances à la ferme de DSK à Oyo dans le fief natal du président congolais où les distractions sont rares mais les honoraires copieux. De gauche à droite. Sassou, DSK et sa compagne.

     

    150 millions d’euros nets d’impôts 

    Selon les « Pandora Papers », Sassou a détenu depuis 1998 aux Iles Vierges Britanniques une société « Inter African Investment », propriétaire  d’une  autre société écran «  Ecoplan Finance Ltd » elle même propriétaire à son tour d’une « Escom Congo ». Soit une entreprise de BTP ayant pignon sur rue à Brazzaville et ayant aussi des droits sur des mines de diamants au Congo. 

    Une des filles de Sassou, Julienne, siégeait  au conseil d’administration d’Ecoplan. 

    Selon « le Monde »,  le chiffre d’affaires d’Ecoplan jusqu’ à sa dissolution en 2016 était de 150 millions d’euros par an. 

    En soit cette révélation n’est pas une énorme surprise. 

    C’est néanmoins la première fois que Sassou N’Guesso est accroché personnellement à un financement occulte et pas seulement par le biais d’un de ses affidés. Rappelons que le mot d’ordre martelé en permanence par le Président congolais c’est celui de « la lutte contre les anti-valeurs ». 

    Pour l’heure le Gouvernement congolais dément vigoureusement les révélations contenues dans les Pandora Papers et reprises par « Le Monde ».  

    La présence de Dominique Strauss Kahn dans le volet congolais des Pandora Papers est bien plus problématique. Sans rentrer dans le détail des montages financiers mis en place par l’ancien patron du FMI, résumons les faits. Après s’être installé au Maroc où il bénéfice d’une exonération d’impôt pendant 5 ans, DSK fait migrer sa société de conseils aux fins fonds du désert Emirati dans le paradis fiscal de Ras Al-Khaïma.

     C’est là qu’il enregistre en avril 2018 une nouvelle société « Parnasse Global Limited »et dont il est l’unique actionnaire et directeur.  

     

    Lucien EBATA, l’homme « des produits raffinés ».  

    Il ressort que celle-ci  a été alimentée à hauteur de plus d’1,4 million d’euros par Orion Oil, figure de proue du commerce du pétrole congolais et dont le nom défraie la chronique des « affaires » du commerce illicite de l’or noir depuis des années. Illicite parce qu’échappant au Trésor public congolais. D’autres factures sont référencées « Présidence » pour un montant  de 3,5 millions d’euros sans autre précision.  

    Orion Oil fondée en 2004 détient le quasi monopole de la commercialisation du pétrole congolais, un commerce que cette entreprise de trading  exerce en étroite intelligence avec le fils du Président,  Kiki, alors que ce dernier est en charge de l’aval pétrolier  au sein la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC). 

     

    Des « amis » de l’Afrique  

    Orion Oil est donc  dirigée par le milliardaire Lucien Ebata. 

    Né pauvre parmi les pauvres à Ollombo dans une commune proche du fief natal de Sassou dans le nord du pays, Ebata est aussi le patron de « Forbes Africa ». Un magazine de luxe sur les affaires et avec lequel le milliardaire organise de nombreux raouts.  

    En 2012 lors du lancement du titre « son entregent lui permet d’attirer Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin ou Christine Okrent lors de son premier forum »rapporte ainsi Stratégiesen 2019 . « Des amis de l’Afrique » commente Ebata et parmi lesquels on croise encore Raffarin, Jean François Copé et biens d’autres.   

    Des amis pas totalement désintéressés. Plusieurs médias rapportent sans être démentis que Monsieur Ebata défraye alors copieusement ses hôtes : 100 000 euros pour Sarko.30 000 pour Copé. 

    De l’entregent donc mais aussi un poids politique qui ne se limite pas aux seules affaires pétrolières.

    Ainsi à l’été 2017 alors que le Congo-Brazza est au bord de la banqueroute, Ebata se voit officiellement bombardé « conseiller spécial de la présidence congolaise pour les financements extérieurs ». 

    Comme le confie alors un visiteur du soir du Palais présidentiel de Mpila à Mondafrique « une promotion et un genre de tâche que l’on ne confie pas à n’importe qui ». 

    De gauche à droite : Denis Sassou N’Guesso, Dominique Strauss Kahn et Matthieu Pigasse en villègiature à Oyo.

     

    DSK, un homme d’influence

    A tel enseigne que l’on prête alors dans la foulée à Ebata l’ambition de jouer les tous premiers rôles à l’heure de la succession de Sassou. 

    C’est quelques mois plus tard début 2018 que s’affiche publiquement la véritable « love story » de DSK avec Sassou. Flanqué du banquier Matthieu Pigasse, (neveu de Jean-Paul Pigasse, le directeur des « Dépêches de Brazzaville »), Dominique Strauss Kahn est en charge de conseiller Sassou dans les négociations qui s’ouvrent alors avec le FMI.  Afin d’obtenir un nouveau prêt de l’institution financière. «  Les bons conseils de DSK » titre alors Jeune Afrique( 28/11.2018).  

    Mission partiellement accomplie puisque deux ans plus tard s’ouvre en effet une ligne de crédit de 450 millions de $. Ceci jusqu’à ce que Donald Trump, non prévu au casting, n’y mette brutalement le holà.  

    Comme le rapporte avec gourmandise la tout récente enquête de Cash Investigation, intitulé « DSK, enquête sur un homme d’influence» et animée par Elise Lucet – sur le service public- DSK s’installe alors quasiment à demeure à Oyo et multiplie les allers et retours en jet privé entre le Maroc et  la bourgade congolaise. 

    La ville natale de Sassou certes, mais tout de même un trou absolument perdu aux fins fonds des forêts du nord Congo et où l’une des rares distractions consiste à faire un tour au marché pour y acheter de la viande de singe, ou pourquoi pas un crocodile vivant.  

    DSK est donc saisit d’une véritable passion congolaise. 

    Une passion qu’on ne saurait précisément dater.

     

     

    « Facilité de crédit »  et garde à vue 

    On observe que déjà en 2010, alors que DSK était directeur du FMI, le Fonds avait passé un accord avec le Congo- Brazza réduisant sa dette extérieur de 1,9 milliard de dollars, ce qui avait aussi permis au pays de bénéficier  d’être admis au sein de la très recherchée communauté des PPTE (pays pauvres très endettés) mais encore de s’endetter massivement auprès de la Chine.  

    A l’époque cette « facilitée » ainsi  accordée par le FMI avait fait hurler certains des créanciers malheureux de la République du Congo furieux que le FMI n’ait pas tenu compte dans leur évaluation de la dette congolaise de leurs créances, une condition pourtant imposée avant l’effacement de la dette.  

    Selon l’un d’eux, Serge Beribi, des documents falsifiés au FMI auraient conduit à ce que sa créance inexplicablement passe à la trappe. En juillet 2012 le parquet de Grasse ouvrait une enquête préliminaire visant Dominique Strauss-Kahn, en sa qualité d’ex-directeur du FMI pour «faux et falsification de certificats». Il semble que cette enquête se soit heurtée définitivement à l’immunité dont jouissent tous les directeurs du FMI.  

    C’est dans ce contexte pour le moins agité que l’on apprenait avec un certain étonnement que Lucien Ebata avait été interpellé mercredi matin 7 octobre à l’Aéroport du Bourget « porteur d’une importante somme d’argent en liquide » selon la lettre « Africa Intelligence » et placé dans la foulée en garde à vue.  

    Pas une première, puisqu’en 2012,  le missi dominici favori de Sassou s’était déjà fait pincer à Roissy, cette fois porteur de 182 000 euros en espèces. Explication alors fournies par l’intéressé : « Certains de mes clients pour l’Afrique me règlent cash, avait-il alors expliqué aux enquêteurs français, car les virements prennent du temps».

     

    Time is money ! 

    Si l’on ignore pour l’heure le montant des sommes saisies au Bourget, les autorités congolaises n’ont pas tardés à réagir en faisant valoir que M. Ebata est « conseiller spécial du président de la République du Congo, qu’il est titulaire d’un passeport diplomatique et d’une lettre de mission signée par le chef de l’État congolais ; et qu’à ce titre, il bénéficie d’une immunité fonctionnelle ».

    Une riposte qui vient confirmer la place de tout premier plan occupée par le patron d’Orion Oil auprès du Président congolais. 

    Un détail retient l’attention. Selon les maigres informations disponibles et relatives  à cette interpellation, Lucien Ebata dont le nom figure dans l’instruction ouverte sur les « bien mal acquis »  et qui a eu pour avocat un certain Dupont -Moretti aurait été contrôlé alors qu’il était « en transit ».

    L’indice que les gabelous français ont vraiment du nez.


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