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    Coup d’Etat au Gabon : quels sont les intérêts économiques et militaires de la France dans ce pays d’Afrique centrale ?

    Écrit par sur 13/09/2023

    La présence dans cette ancienne colonie s’est considérablement réduite au fil des années, mais Paris dispose toujours sur place d’une base, de plusieurs centaines de soldats et de plus de 80 filiales d’entreprises françaises.

    « La France condamne le coup d’Etat militaire qui est en cours au Gabon ». C’est ce qu’a déclaré, mercredi 30 août, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, quelques heures après le putsch visant le président Ali Bongo. Le chef d’Etat venait tout juste d’être proclamé vainqueur de l’élection présidentielle et réélu pour un troisième mandat, malgré les très vives protestations de son rival, Albert Ondo Ossa, et le chaos général dans le pays. La diplomatie française « réaffirme son souhait que le résultat de l’élection, lorsqu’il sera connu, puisse être respecté », a ajouté Olivier Véran lors d’une conférence de presse à l’issue du Conseil des ministres.

    Les militaires auteurs d’un coup d’Etat ont annoncé mercredi matin qu’Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, se trouve « en résidence surveillée » entouré de sa famille et de ses médecins. L’un de ses fils a également été arrêté, notamment pour « haute trahison ». La grande confusion qui règne dans le pays depuis le scrutin de samedi a ainsi poussé l’ambassade française à Libreville à recommander aux ressortissants français « la plus grande vigilance ».

    Pourtant, « la France n’est pas tellement concernée, comme c’était le cas au Niger« , alors que les intérêts français dans cette ancienne colonie se sont beaucoup réduits au fil des années, insiste auprès de franceinfo François Gaulme, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri. « Nous sommes face à des problèmes de politique intérieure. Les gens avaient très mal pris la façon dont Ali Bongo avait organisé sa réélection en 2016. Aujourd’hui, c’est l’élection truquée de trop », estime-t-il.

    Situation des expatriés, implantation des entreprises, éléments militaires… Franceinfo récapitule ce qu’il faut savoir de la présence et des intérêts économiques, militaires et diplomatiques français au Gabon.

     

    Plusieurs milliers de ressortissants français, essentiellement à Libreville

    « En raison des événements en cours au Gabon, et en particulier dans la capitale, Libreville, il est recommandé d’observer la plus grande vigilance. » Dans un communiqué publié sur son site internet, l’ambassade de France demande à ses ressortissants « de rester à domicile, de se tenir informé de la situation et de respecter les consignes de sécurité données par l’ambassade. » Selon le registre consulaire des Français établis hors de France (qui n’est pas obligatoire et donc pas exhaustif), il y avait l’an dernier près de 7 500 expatriés français vivant au Gabon, dont une très large majorité à Libreville.

    Les recommandations de l’ambassade sont classiques car « on ne sait pas ce qui va se passer en ville », précise François Gaulme. Mais selon ce spécialiste du Gabon et de la politique africaine de la France, il n’y aurait pas de risque spécifique que les Français soient visés dans ce pays de 2,3 millions d’habitants. « Ce n’est pas une protestation contre les Français, mais une lassitude vis-à-vis du régime d’Ali Bongo. »

     

    Plus de 80 entreprises françaises implantées sur place

    « Le Gabon était un allié économique avec le pétrole » et si le pays « bascule, c’est un nouveau recul pour la France et son influence en Afrique », explique à franceinfo Seidik Abba, président du Centre international de réflexion et d’études sur le Sahel. Plus de 80 filiales d’entreprises françaises sont présentes au Gabon pour un chiffre d’affaires cumulé de près de 3 milliards d’euros, rappelle BFMTV. TotalEnergies, Air Liquide, Bolloré, Havas ou encore Eramet y sont par exemple implantés.

    Le groupe minier français a été le premier à réagir au coup d’Etat en annonçant la mise à l’arrêt de ses activités. L’entreprise, qui emploie quelque 8 000 personnes dans le pays, majoritairement gabonaises, explique avoir pris cette décision pour « protéger la sécurité de (son) personnel et l’intégrité de (ses) installations ». Cette annonce a fait chuter l’action d’Eramet à la Bourse de Paris, qui perdait 18,83% (à 61,85 euros) vers 10 heures mercredi matin. Elle n’est pas la seule. TotalGabon a également chuté de 14%. « Cette société est détenue à 58,3% par la major pétrolière TotalEnergies (qui de son côté gagne 0,4%) et à 25% par la République gabonaise, le solde constituant le flottant de l’action », précise BFM Bourse

    Néanmoins, les intérêts économiques français sur place seraient bien moins importants que par le passé, insiste François Gaulme. « L’uranium a été épuisé. Et puis, les Français ont échoué dans les plantations agro-industriels, les Singapouriens sont venus les remplacer. Le régime d’Ali Bongo s’est éloigné de la France pour s’appuyer sur des investissements asiatiques », explique cet expert. 

    Une base et des centaines de militaires chargés de faire de la formation

    L’armée française est présente au Gabon depuis 1960, date de l’indépendance de ce pays. « La France dispose au Gabon d’une des quatre bases militaires permanentes pré-positionnées en Afrique (avec Dakar, Djibouti et la Côte d’Ivoire) », détaille le ministère des Armées. Quelque 370 militaires sont présents sur place. Leur principale mission « est de compléter la formation des militaires des pays partenaires de la CEEAC[Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale] dans leur mise en condition avant engagement dans des opérations intérieures ou extérieures. »

    « Un stationnement permanent est resté depuis l’indépendance du pays, explique François Gaulme. C’était la garantie de sécurité d’Omar Bongo [le père d’Ali Bongo qui a présidé le pays de 1967 à 2009]. On est intervenu en 1964 et en 1990 avec Mitterrand, qui a sauvé son régime. On n’est plus du tout dans la même situation avec le fils, qui s’appuie essentiellement sur le Maroc », relève-t-il.